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LES RESSOURCES

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1ère PARTIE

Hydro-Québec est une société d'État québécoise responsable de la production, du transport et de la distribution de l'électricité au Québec. Fondée en 1944, son unique actionnaire est le gouvernement du Québec. La société a son siège social qui est située à Montréal.

Avec ses 63 centrales hydroélectriques, Hydro-Québec constitue le principal producteur d'électricité au Canada et l'un des plus grands producteurs mondiaux d'hydroélectricité. La puissance installée de ses installations s'établit à 37 243 mégawatts (MW) et elle comptait 4,36 millions de clients en 2019.

Les grands développements hydroélectriques menés sans interruption pendant un demi-siècle — les centrales de Bersimis, l'extension de la centrale de BeauharnoisCarillonManic-OutardesChurchill Falls et le gigantesque projet de la Baie-James — ont permis au Québec de réduire sa dépendance à l'égard des combustibles fossiles. En 2017, l'électricité représentait 40,9% de la demande finale d'énergie primaire au Québec4. Cependant, la construction et l'exploitation de ces aménagements ont eu des conséquences sur l'environnement nordique. Elles ont aussi eu un impact sur les populations autochtones vivant dans le Nord-du-Québec, qui ont vigoureusement contesté les développements hydroélectriques de l'État québécois.

Depuis sa fondation, Hydro-Québec joue un rôle déterminant dans le développement économique du Québec, par la taille et la fréquence de ses investissements, par le développement d'une expertise reconnue, notamment dans le domaine du génie-conseil, de la gérance de grands projets d'infrastructures et du transport de l'électricité, ainsi que par sa capacité à produire une grande quantité d'électricité à bas prix.

L'augmentation des coûts de l'énergie au cours des années 2000, les bas taux d'intérêt6 et l'émergence d'un consensus international sur la question des changements climatiques ont eu un impact positif sur les résultats financiers d'Hydro-Québec. Entre 2015 et 2019, l'entreprise a versé des dividendes de 11,23 milliards de dollars canadiens au gouvernement du Québec tout en garantissant aux Québécois des tarifs d'électricité qui figurent parmi les plus bas en Amérique du Nord.

HISTORIQUES

À la suite de la Grande Dépression des années 1930, des voix s'élèvent au Québec en faveur d'une intervention du gouvernement dans le secteur de l'électricité. Les reproches se multiplient à l'endroit du trust de l'électricité : leurs tarifs sont considérés abusifs et leurs profits excessifs. Inspirés par la nationalisation de la production et la municipalisation de la distribution menée en Ontario par Sir Adam Beck au début du xxe siècle, des personnalités, comme Philippe Hamel et T.-D. Bouchard, proposent d'imiter la province voisine. Porté au pouvoir en 1939Adélard Godbout est favorable aux idées des partisans de la nationalisation. Il dénonce l'inefficacité du système, dominé par des intérêts anglophones, ainsi que la collusion entre les deux principaux acteurs, la Montreal Light, Heat and Power (MLH&P) et la Shawinigan Water and Power, qu'il qualifie de dictature économique crapuleuse et vicieuse.

LES DEUX NATIONALISATIONS

PREMIÈRES ANNÉES

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PREMIER LOGO

1944-1964

À l'automne 1943, le gouvernement Godbout annonce qu'il déposera un projet de loi afin de prendre le contrôle de la MLH&P, qui exerce un monopole dans la grande région de Montréal. Le 14 avril 1944, l'Assemblée législative du Québec adopte une loi créant une entreprise commerciale de propriété publique, la Commission hydroélectrique de Québec, abrégée en Hydro-Québec. L'article 22 de la loi confie à la nouvelle société le mandat de fournir l'énergie [...] aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière, de restaurer le réseau électrique, vétuste, et de développer l'électrification des régions rurales, non desservies par les entreprises existantes.

La prise de contrôle de la MLH&P survient dès le lendemain, le 15 avril 1944 et la défaite du parti libéral de Godbout, battu par l'Union nationale de Maurice Duplessis quelques mois plus tard, ne remet pas en cause cette décision à l'exception du mandat d'électrification 

rurale confié à l'Office de l'électrification rurale (OER). Le ministre Daniel Johnson, qui deviendra Premier ministre entre 1966 et 1968, sera de ceux qui encourageront le développement d'Hydro-Québec.

La nouvelle direction doit accroître rapidement la production de l'entreprise si elle veut subvenir à l'augmentation rapide de la demande. Dès 1948, Hydro-Québec met en chantier la deuxième phase de la centrale de Beauharnois, qui sera complétée en 1953. Une fois ce projet terminé, la société entreprend la construction de deux centrales sur la rivière Betsiamites sur la Côte-Nord, à 700 km de Montréal. Les centrales Bersimis-1 et Bersimis-2 sont construites entre 1953 et 1959. Elles constituent un banc d'essai technique et offrent un avant-goût du développement des prochaines décennies dans le Nord du Québec.

RÉVOLUTION TRANQUILLE

La Révolution tranquille n'interrompt pas l'aménagement de nouveaux barrages. Au contraire, elle lui apporte une impulsion nouvelle sous la gouverne de René Lévesque, qui hérite du poste de ministre responsable d'Hydro-Québec après l'élection de l'équipe du tonnerre de Jean Lesage. Le ministre approuve la poursuite des projets en cours à Beauharnois, Carillon et sur la Cote-Nord et se prépare à nationaliser les 11 compagnies privées qui dominent la production et la distribution dans la plupart des régions du Québec.

Le 12 février 1962, Lévesque donne le coup d'envoi à sa campagne pour la nationalisation. Dans un discours prononcé devant les représentants de l'industrie, il dénonce la situation actuelle, « un tel fouillis, invraisemblable et coûteux ». Il ajoute que la réforme contribuera à « un aménagement rationnel de notre économie »18. Le ministre fait ensuite le tour du Québec pour rassurer le public et réfuter les arguments de la Shawinigan Water & Power, le principal opposant au projet. Les 4 et 5 septembre, il parvient à convaincre ses collègues du gouvernement libéral d'appuyer la nationalisation pendant une réunion secrète du conseil des ministres, au camp de pêche du lac à l'Épaule. La question sera l'enjeu d'une élection générale anticipée. Le thème choisi est Maîtres chez nous.

Le gouvernement Lesage est réélu en novembre 1962 et René Lévesque va de l'avant : Hydro-Québec lance une offre publique d'achat et achète toutes les actions des 11 compagnies privées pour la somme de 604 millions de dollars. Presque toutes les coopératives électriques et une partie des réseaux municipaux acceptent aussi l'offre d'achat et sont fusionnés. Hydro-Québec devient ainsi le plus grand fournisseur d'électricité québécois le 1er mai 1963.

Pour financer les acquisitions, Hydro-Québec émet des obligations d'une valeur totale de 300 millions de dollars sur les marchés américains et ne reçoit aucun apport de capital du gouvernement. Compte tenu du montant de la transaction, qui constituait à l'époque la plus grosse opération financière réalisée par des étrangers sur la place de New York, l'emprunt est effectué en 15 émissions de 20 millions de dollars chacune. Les emprunts ont été complètement remboursés à leur terme, en 1984

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CENTRALE LA TRANCHE - 1950

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CENTRALE BEAUHARNOIS - 1961

LES ANNÉES 1960-1970

Au lendemain de la nationalisation de 1963, Hydro-Québec mène trois grands dossiers de front. En doublant de taille du jour au lendemain, elle doit d'abord se réorganiser afin d'intégrer les nouvelles filiales aux structures existantes, tout en imposant le français comme langue de travail au sein de l'entreprise. En même temps, elle doit standardiser des réseaux hétéroclites, ce qui nécessite la conversion de milliers de clients de l'Abitibi de 25 hertz à la fréquence standard de 60 hertz. Tout cela en poursuivant la construction d'un autre grand complexe hydroélectrique sur la Côte-Nord, rendu nécessaire en raison du rythme de croissance de la consommation, qui double entre 1964 et 1973.

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BARRAGE DANIEL-JOHNSON 1968

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CENTRALE RENÉE-LÉVESQUE 1976

MANIC-OUTARDES

Depuis 1959, la construction du projet Manic-Outardes bat son plein dans l'arrière-pays de Baie-Comeau. Des milliers d'ouvriers sont à l'œuvre afin de construire les sept centrales du complexe, dont le colossal barrage Daniel-Johnson est l'emblème. Large de 1 314 mètres, l'ouvrage en voûte et contreforts est le plus imposant au monde. Le barrage a été nommé en l'honneur du premier ministre, qui est mort sur les lieux le 26 septembre 1968, quelques heures avant la cérémonie de parachèvement du barrage.

Le projet Manic-Outardes consiste en quatre centrales, d'une puissance de 3 675 MW, sur la rivière Manicouagan26 et de trois centrales (1 842 MW) sur la rivière aux Outardes25. La construction du complexe se terminera en 1976 sur la rivière Manicouagan avec l'installation des derniers groupes à la centrale René-Lévesque et en 1978 sur la rivière aux Outardes, lors de la mise en service de la centrale Outardes-2.

Les coûts des infrastructures de transport de l'électricité produite par ces nouveaux barrages, situés à des centaines de kilomètres des grands centres urbains, posent un problème qui divise les ingénieurs d'Hydro-Québec. L'ingénieur Jean-Jacques Archambault propose de construire des lignes à 735 kilovolts (kV), une tension beaucoup plus élevée que celles qui sont généralement utilisées à cette époque. Archambault persiste et convainc ses collègues. Son projet inédit monopolise les efforts d'Hydro-Québec et de quelques-uns des plus grands fournisseurs internationaux de matériel à haute tension et la première ligne du réseau à 735 kV a été mise en service le 29 novembre 1965.

À cette époque, plusieurs considèrent qu'Hydro-Québec constitue un «État dans l'État», la société représentant à elle seule 6 % du PIB et 20 % de tous les investissements sur l'ensemble du Québec.

CHUTES CHURCHILL

En faisant l'acquisition de la Shawinigan Water & Power et de certaines de ses filiales

en 1963, Hydro-Québec obtient une participation de 20 % au capital d'une société

qui planifie la construction d'une centrale hydroélectrique aux chutes Hamilton,

au Labrador, avec la British Newfoundland Development Corporation (en) 

(BRINCO), un consortium de financiers britanniques dirigés par Edmund de

Rothschild, de NM Rothschild & Sons. Après des années de négociations,

les parties concluent une entente définitive le 12 mai 1969.

En vertu de l'entente, Hydro-Québec achète la quasi-totalité de l'électricité produite

pendant 65 ans à un quart de cent le kilowattheure (kWh) — le taux exact a été

fixé à 0,254 25 cent le kilowattheure jusqu'en 2016 et 0,20 cent pour les dernières

25 années du contrat. En échange, elle partage les risques d'intérêts et rachète une

partie de la dette du projet pour une participation accrue à 34,2 % dans le capital de

la société propriétaire de l'ouvrage, la Churchill Falls (Labrador) Corporation

LimitedRA 3. La centrale de Churchill Falls, d'une puissance installée de 5 428 mégawatts, effectue ses premières livraisons à Hydro-Québec le 6 décembre 1971 et la mise en service des 11 turbines sera complétée en 1974.

À Terre-Neuve, le gouvernement change en 1972 et le libéral Joey Smallwood est remplacé par le conservateur Frank Moores. Le nouveau gouvernement est scandalisé par les prix prévus au contrat, d'autant plus que les prix de l'énergie montent en flèche durant cette période, marquée par le premier choc pétrolier. Sous la menace d'une loi d'expropriation de Brinco, le gouvernement de Terre-Neuve rachète la participation du promoteur dans CF(L)Co. en juin 1974, pour la somme de 160 millions de dollars. Ce faisant, la province récupérait la concession hydraulique du cours inférieur du fleuve Churchill.

Le nouvel actionnaire majoritaire insiste ensuite pour renégocier le contrat de vente d'électricité avec Hydro-Québec. S'amorce alors une bataille judiciaire qui se terminera à deux reprises devant la Cour suprême du Canada. La cour tranche en faveur d'Hydro-Québec les deux fois, en 1984 et en 1988. En 2014, la Cour supérieure du Québec a débouté un autre recours intenté par CF(L)Co., qui demandait de revoir le prix de l'énergie vendue en vertu du contrat. Le jugement affirme qu'Hydro-Québec n'a aucune obligation de rouvrir le contrat puisque le bas prix payé pour l'électricité est le principal avantage obtenu par Hydro-Québec en échange des risques que l'entreprise a accepté de prendre en finançant une part importante du projet. Le gouvernement terre-neuvien a annoncé son intention de porter la cause en appel.

CHUTES CHURCHILL

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PROJET LA BAIE JAMES

LA BAIE JAMES

Un an après son élection en 1970, le nouveau Premier ministre Robert Bourassa lance « le projet du siècle » afin de tenter de réaliser sa promesse de 100 000 nouveaux emplois. Le 30 avril 1971, il annonce, devant des membres du Parti libéral du Québec, qu'Hydro-Québec construira un complexe hydroélectrique de 10 000 mégawatts dans la Jamésie, région de la baie James. Après avoir évalué les options disponibles, le gouvernement et Hydro-Québec optent l'année suivante pour la construction de trois centrales sur la Grande Rivière : LG-2LG-3 et LG-4.

En plus des difficultés techniques et logistiques que posent un projet de cette envergure dans une région pratiquement vierge et éloignée, le président de la Société d'énergie de la Baie JamesRobert A. Boyd, doit faire face à l'opposition des 5 000 résidents cris du territoire, qui craignent les conséquences qu'aura le projet sur leur mode de vie traditionnel. En novembre 1973, les Cris obtiennent une injonction qui arrête temporairement les travaux. L'opposition des autochtones forcera le gouvernement Bourassa à négocier un compromis avec les résidents.

Le recours judiciaire du Grand Conseil des Cris force le gouvernement du Québec à négocier une solution. Le 11 novembre 1975, les parties signent la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. La convention accorde aux Cris et aux Inuit une compensation financière, un territoire défini, la gestion des services de santé et d'éducation en échange d'une reconnaissance territoriale réciproque et de l'arrêt des poursuites.

À la pointe des travaux, entre 1977 et 1981, entre 14 000 travailleurs et 18 000 travailleurs œuvrent sur les chantiers de la baie James. Inaugurée le 27 octobre 1979, la centrale souterraine LG-2, d'une puissance initiale de 5 328 mégawatts, est la plus puissante de son genre au monde. La centrale, le barrage et le réservoir seront renommés en l'honneur de Robert Bourassa quelques jours après sa mort, en 1996. La construction de la première phase du projet est complétée par la mise en service de LG-3 en juin 1982 et de LG-4 en mai 1984. Une seconde phase du projet, comprenant l'aménagement de cinq centrales supplémentaires — les centrales LG-1 (1 436 mégawatts), LG-2A (2 106 mégawatts), Laforge-1 (878 mégawatts), Laforge-2 (319 mégawatts) et Brisay (469 mégawatts) —, sera réalisée entre 1987 et 1996.

LES ANNÉES 1980-1990

TRAVERSÉ SOUS FLEUVIALE

Après deux décennies de croissance soutenue, les années 1980 et 1990 seront difficiles pour Hydro-Québec, qui doit faire face à plusieurs controverses environnementales et à une certaine méfiance du public, en raison des controverses et des hausses de tarifs. Les répercussions du deuxième choc pétrolier et la sévère récession qui a suivi forcent aussi l'entreprise à modifier ses stratégies de développement pour recentrer ses priorités vers les besoins des consommateurs. Ainsi, un nouveau projet d'aménagement hydroélectrique et la construction d'une ligne à haute tension destinée à l'exportation vers la Nouvelle-Angleterre se heurtent à l'opposition de groupes autochtones et environnementaux canadiens et américains, alors que les éléments provoquent deux pannes générales en moins d'un an.

Afin d'exporter l'électricité de la Baie-James vers la Nouvelle-Angleterre, Hydro-Québec se propose de construire une ligne de transport d'électricité à courant continu de 450 kV, le Réseau multiterminal à courant continu. La ligne, d'une capacité de 2 000 mégawatts et longue de 1 480 km47, doit relier les centrales de la Baie-James, à la région de Boston au Massachusetts. La construction de la ligne se déroule généralement sans incident, sauf à l'endroit où les câbles à haute tension doivent traverser le fleuve Saint-Laurent, entre Grondines et Lotbinière.

En raison de l'opposition organisée des citoyens des deux rives, dont la tisserande réputée Micheline Beauchemin, Hydro-Québec doit construire un tunnel de 4 km sous le fleuve, au coût de 144 millions de dollars. Cette ligne sous-fluviale a nécessité deux ans et demi de travail. Elle a été mise en service le 1er novembre 1992.

GRANDE BALEINE

Hydro-Québec et gouvernement Bourassa auront toutefois beaucoup plus

de difficultés dans le Nord du Québec. Annoncé en 1986, le projet Grande-

Baleine prévoit la construction de trois centrales hydroélectriques sur la 

Grande rivière de la Baleine. Ce projet de 12,6 milliards de dollars

aurait eu une puissance installée de 3 160 mégawatts et devait

produire 16,3 térawattheures d’énergie annuellement à sa mise en service,

en 1998-1999.

Le projet suscite immédiatement la controverse. Comme en 1973, les Cris 

du Nord du Québec s'opposent au projet. Ils intentent des recours judiciaires contre Hydro-Québec, au Québec, au Canada et dans plusieurs États américains, afin d'arrêter la construction ou de stopper les exportations d'électricité québécoise vers les États-Unis. Les Cris obtiennent du gouvernement fédéral qu'il mène des processus d'évaluation environnementaux distincts, afin d'étudier la construction du complexe. Les dirigeants cris s'allient aussi à des groupes écologistes américains et lancent une campagne de relations publiques attaquant le projet Grande-Baleine, Hydro-Québec et le Québec en général. La campagne menée tambour battant aux États-Unis et en Europe quelques mois après l'échec de l'Accord du lac Meech et la crise d'Oka, exaspère les groupes écologistes québécois qui se sont dissociés de la campagne des cris.

La campagne connaît cependant du succès dans l'État de New York et force la New York Power Authority à annuler un contrat de 5 milliards de dollars américains, signé avec Hydro-Québec en 1990. Deux mois après son élection, en 1994, le nouveau Premier ministre Jacques Parizeau annonce la suspension du projet de Grande-Baleine, affirmant qu'il n'était pas nécessaire pour répondre aux besoins énergétiques du Québec.

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GRANDE RIVIÈRE DE LA BALEINE

LA NAUTURE S'ACHARME

Hydro-Québec doit aussi lutter sur un autre front. La nature s'acharne contre le réseau de transport de la société, qui subit trois grandes pannes en dix ans. Ces incidents mettent en relief le talon d'Achille du réseau électrique québécois : les grandes distances séparant ses installations de production des principaux centres de consommation.

Le 18 avril 1988 à 2 h 5, tout le Québec, une partie de la Nouvelle-Angleterre et du Nouveau-Brunswick, sont plongés dans le noir en raison d'un bris d'équipement dans un poste de transport sur la Côte-Nord, point de passage obligé de l'électricité qui transite des chutes Churchill, et Manicouagan. La panne, qui a duré jusqu'à huit heures par endroits, a été causée par une accumulation de glace sur les équipements du poste Arnaud.

Moins d'un an plus tard, le 13 mars 1989 à 2 h 44, une importante éruption solaire entraîne de brusques variations du champ magnétique terrestre, qui provoquent le déclenchement des mécanismes de protection des lignes de transport d'électricité, isolant le réseau de la Baie-James et entraînant une panne d'électricité générale, qui dure plus de neuf heures. Cette panne a forcé Hydro-Québec à prendre des mesures pour réduire les risques que posent les éruptions solaires.

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ÉRUPTION SOLAIRE 1988

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CRISE DU VERGLAS 1998

CRISE DU VERGLAS

En janvier 1998, cinq jours consécutifs de pluie verglaçante dans le sud du Québec provoquent la plus grave panne de courant de l'histoire d'Hydro-Québec. Le poids de la glace accumulé sur les lignes de transport et de distribution cause l'écroulement de 600 km de lignes de transport et de 3 000 km de lignes de distribution dans le sud du Québec et plonge 1,4 million d'abonnés dans le noir pour des périodes variant de quelques heures à près de quatre semaines.

Une partie de la Montérégie, surnommée le triangle noir par les médias et la population, est particulièrement affectée par la crise du verglas, en raison d'accumulations de glace dépassant les 100 mm. Les abonnés de l'île de Montréal et de l'Outaouais souffrent aussi de l'interruption de service qui prend une importance particulière puisque la majorité des ménages québécois se chauffent à l'électricité. Immédiatement, Hydro-Québec mobilise plus de 10 000 travailleurs pour rebâtir le réseau. Au plus fort de la crise, le 9 janvier 1998, l'île de Montréal n'est plus alimentée que par une seule ligne à haute tension. Le gouvernement prend la décision de couper temporairement l'électricité au centre-ville de Montréal afin de maintenir l'approvisionnement en eau potable de la métropole.

Le service sera finalement rétabli pour l'ensemble des clients le 7 février 1998, ce qui inspirera cette comparaison au rédacteur en chef du magazine L'actualitéJean Paré, dans son éditorial du 1er mars 1998 : Tout un pays gelé par la grande Zamboni céleste, paralysé comme un ordinateur bogué, des millions de gens transformés pendant plus de deux semaines en spectateurs obligés.

La tempête a entraîné des coûts directs de 725 millions de dollars pour Hydro-Québec au cours de l'année 1998 et plus d'un milliard de dollars ont été investis au cours des 10 années suivantes afin de renforcer le réseau contre des événements similaires. Toutefois, une partie des travaux de l'opération de « bouclage » du réseau à 735 kV dans la région métropolitaine de Montréal, autorisée sans évaluation environnementale préalable pendant la crise, s'est rapidement heurtée à l'opposition des citoyens du Val-Saint-François, en Estrie, qui obtiennent l'annulation des décrets autorisant la construction. Après l'adoption d'une loi et la tenue d'audiences publiques sur le projet, la construction de la ligne Hertel-Des Cantons sera finalement autorisée en juillet 2002 et mise en service l'année suivante.

LE XXIe SIÈCLE

À la fin des années 1990, Hydro-Québec se porte bien sur le plan financier. Le rôle plus actif qu'elle joue dans les marchés de l'électricité de la Nouvelle-Angleterre et de l'état de New York permet à Hydro-Québec de franchir le cap du nouveau millénaire avec son premier bénéfice annuel d'un milliard $ en 2000. La même année, l'Assemblée nationale ratifie la séparation fonctionnelle entre les activités de production, de transport et de distribution de l'électricité et établit un système d'appel d'offres pour les approvisionnements supplémentaires qui seront éventuellement requis, auquel Hydro-Québec Production pourra être mise en concurrence avec des producteurs privés.

Entre-temps, une succession d'années plus sèches qu'à la normale dans les bassins versants du nord du Québec suscite l'appréhension, d'autant plus qu'aucune nouvelle centrale n'a été mise en service depuis l'ouverture de Laforge-2 en 1996. Prévue pour une mise en service au cours de l'année 2001, la centrale SM-3 sur la Côte-Nord connaît des retards en raison de problèmes avec ses deux groupes turbine-alternateurs. Le déficit d'hydraulicité atteint 23 TWh en 2003, ce qui oblige Hydro-Québec à utiliser la centrale thermique de Tracy pendant 11 mois sur 12 pour une production thermique de 1,75 TWh cette année-là.

En septembre 2001, Hydro-Québec annonce qu'elle veut construire à Beauharnois le projet du Suroît, une centrale thermique au gaz naturel à cycle combiné. Hydro-Québec fait valoir que cette nouvelle centrale est essentielle à la sécurité des approvisionnements québécois en raison des aléas de l'hydraulicité de ses réservoirs, qu'elle est rentable et qu'elle peut être construite en deux ans. Cependant, le projet arrive au moment où s'engage le débat sur la ratification par le Canada du protocole de Kyōto. Avec des émissions prévues de 2,25 millions de tonnes de dioxyde de carbone par année, la centrale du Suroît aurait augmenté les émissions totales du Québec de près de 3 %77. En juin 2004, la Régie de l'énergie publie un avis dans lequel elle ne croit pas que ce projet est «indispensable à la sécurité des approvisionnements», mais néanmoins «souhaitable» et «dans l’intérêt du public». Face à l'impopularité du projet — un sondage mené en janvier 2004 indique que 67 % des personnes interrogées s'y opposent —, le gouvernement de Jean Charest abandonne le Suroît en novembre 2004.

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CENTRALE EASTMAIN - 2007

REPRISE DES GRANDS PROJETS HYDROÉLECTRIQUESS

Le 7 février 2002, le premier ministre du Québec, Bernard Landry, et le chef du Grand Conseil des CrisTed Moses, signent à Waskaganish une entente «de nation à nation» qui permet la construction de nouveaux aménagements hydroélectriques dans le Nord québécois. La « Paix des Braves » précise les dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et accorde une plus grande autonomie aux autorités cries dans l'administration du territoire, prévoit le versement d'une compensation de 4,5 milliards de dollars sur 50 ans à la nation crie, des régimes particuliers en matière de gestion de la faune et de la forêt, en plus de garantir que les entreprises et travailleurs cris pourront obtenir une partie des retombées économiques des projets à venir.

 

La dérivation de la rivière Rupert détourne une partie du débit des eaux (en orange sur la carte) vers le réservoir Robert-Bourassa.

Le règlement global du contentieux entre la Nation crie et le Québec entraîne la signature des conventions Nadoshtin et Boumhounan par Hydro-Québec et sa filiale Société d'énergie de la Baie-James. L'accord des Cris permet le début rapide d'une troisième phase de travaux dans le cadre du projet de la Baie-James. Le chantier de la centrale Eastmain-1 — autorisée par le gouvernement dès mars 1993 — débute dès le printemps 2002 avec l'aménagement d'une route de 80 km reliant le chantier au poste de la Nemiscau. En plus de la centrale, construite sur la rive gauche de la rivière, le projet a nécessité l'érection d'un barrage de 890 m de longueur sur 70 m de hauteur, de 33 digues et d'un évacuateur de crues. Les trois groupes turbines-alternateurs de centrale Eastmain-1 ont été mis en service au printemps 2007. La centrale de 480 mégawatts produit annuellement 2,7 térawattheures. Cette mise en service a été immédiatement suivie de la construction de la centrale Eastmain-1-A (768 mégawatts), située immédiatement à côté de l'autre, la dérivation partielle de la rivière Rupert vers le réservoir Robert-Bourassa, et la centrale de la Sarcelle (150 mégawatts). Ce projet, dont les mises en service se sont étalées entre 2011 et 2013 a mobilisé 3 700 travailleurs et réalisé pour un coût total de 4,7 milliards de dollars, soit moins que le budget prévu de 5,0 milliards.

Durant la même période, Hydro-Québec poursuit la construction d'autres projets de plus petite envergure aux quatre coins du Québec: Rocher-de-Grand-Mère en 2004 (230 mégawatts), Toulnustouc en 2005 (526 mégawatts) ; Péribonka (385 mégawatts) et Mercier en 2008 (50,5 mégawatts) ; Rapides-des-Cœurs (76 mégawatts) et Chute-Allard (62 mégawatts) en 2009.

En 2009, la société d'État entreprend le harnachement de la rivière Romaine, qui coule sur la Côte-Nord, des confins du Labrador vers le golfe du Saint-Laurent à la hauteur de Havre-Saint-Pierre. Le Projet de la Romaine, dont la construction doit durer jusqu'en 2021 au coût de 6,5 milliards $ pour les centrales et de 1,3 milliard $ pour leur raccordement au réseau de transport à haute tension, comprend quatre centrales à réservoir d'une capacité totale de 1 550 mégawatts qui fourniront annuellement 8 térawattheures d'énergie électrique. Les trois premières centrales du complexe, Romaine-2 (2014 – 640 mégawatts), Romaine-1 (2015 – 270 mégawatts), Romaine-3 (2015 – 395 mégawatts) ont été mises en service dans les délais et aux coûts prévus initialement. Toutefois, le chantier du dernier ouvrage, Romaine-4 (prévue en 2021 – 245 mégawatts), donne du fil à retordre aux 800 travailleurs mobilisés sur le chantier, en raison de la nature instable du roc. Après la mort, en 2017, d'un quatrième ouvrier depuis le début du chantier, Hydro-Québec annonce un nouvelle politique de santé-sécurité, qui connaît quelques ratés au cours de sa mise en œuvre.

PLAFONNEMENT DE LA DEMANDE ET SURPLUS

Parallèlement aux chantiers de la société d'État, le gouvernement Charest multiplie les décrets ordonnant à Hydro-Québec Distribution d'acheter d'importants volumes d'énergie renouvelable pour approvisionner le marché québécois dans le cadre de sa stratégie énergétique 2006-2015. Après un appel d'offres éolien de 1 000 MW en 2003, Hydro-Québec procède à des appels d'offres en 2005 (éolien – 2 000 MW) et en 2009 et 2011 (biomasse – 1 000 MW). En 2013, le gouvernement Marois autorise un autre appel d'offres pour des projets éoliens en milieu autochtone. En tout et partout, le Vérificateur général du Québec a recensé 69 contrats d'approvisionnement de long terme.

Toutefois, la croissance des ventes enregistrée sans interruption depuis décennies subit les contrecoups de la crise financière de 2007-2008. Vers la fin de juillet 2009, Hydro-Québec indique à la Régie de l'énergie qu'elle devra désormais gérer des surplus d'énergie d'une valeur marchande estimée à un milliard de dollars en 2010. Ces surplus sont imputés à la baisse des ventes aux industriels des secteurs des pâtes et papiers et de l'aluminium, mais aussi aux appels d'offres d'énergie renouvelable décrétés par le gouvernement. La société d'État négocie une entente avec TransCanada Energy afin de suspendre la production de la centrale au gaz naturel de 507 mégawatts à Bécancour, permettant de réduire les surplus de 4,3 térawattheures par année. Le coût de l'entente de suspension a été estimé par le Vérificateur général à 134 millions $ annuellement pour les années 2009 à 2013 et de 120 millions $ de 2014 à 2016.

L'entreprise envisage également la possibilité d'étendre ses activités hors des frontières du Québec. Le 29 octobre 2009, les premiers ministres du Nouveau-BrunswickShawn Graham, et du Québec, Jean Charest, signent un protocole d'entente prévoyant la vente de la plupart des actifs d'Énergie NB à une filiale d'Hydro-Québec contre la somme de 4,75 milliards de dollars. L'entente prévoyait en outre une réduction moyenne de 30 % des tarifs industriels ainsi qu'un gel des tarifs de cinq ans pour les clients résidentiels et commerciaux du Nouveau-Brunswick. La transaction proposée est accueillie avec enthousiasme par les éditorialistes et les milieux d'affaires, mais rejetée massivement par la population du Nouveau-Brunswick. Elle est finalement abandonnée six mois plus tard. Hydro-Québec évoque des problèmes découverts lors d'une « vérification diligente » des actifs101. Cette interprétation est toutefois contestée par les analystes, qui pointent du doigt les problèmes politiques du gouvernement néo-brunswickois.

La présence d'importants surplus et la nécessité de trouver des débouchés incitent Hydro-Québec à renforcer ses attributs environnementaux. L'entreprise annonce la fermeture définitive et le démantèlement de la centrale de Tracy (660 mégawatts), qui cesse ses opérations en 2011, ainsi que deux de ses trois centrales thermiques d'urgence, La Citière (308 mégawatts) et Cadillac (162 mégawatts) en 2012 et 2014. La réfection de l'unique réacteur de la centrale nucléaire de Gentilly-2 (675 mégawatts) est annulée en 2012, après avoir été annoncée quatre ans plus tôt. La fermeture de ces quatre centrales et la perte de 1 805 mégawatts de puissance sont compensées par la mise en service des projets hydroélectriques et éoliens en construction.

La direction de l'entreprise en 2015 avec un bilan mitigé. Reconnu pour ses qualités de gestionnaire, il a solidifié la performance financière de l'entreprise, en faisant passer le dividende annuel versé par Hydro-Québec au gouvernement de 1,35 milliard à 2,535 milliards. On reproche toutefois à l'entreprise de manquer de vision en matière d'efficacité énergétique et une perception de manque de transparence, générant la méfiance d'une partie de la population.

Hydro-Québec annonce un virage en promettant une plus grande transparence et des augmentations de tarifs « raisonnables» dès le jour de sa nomination. Les engagements du nouveau PDG se reflètent dans le nouveau plan stratégique 2016-2020, qui fixe quatre nouveaux objectifs à Hydro-Québec : doubler les revenus en 15 ans, améliorer le service à la clientèle contribuer au développement économique et à la transition énergétique du Québec tout en limitant les hausses tarifaires à un niveau inférieur ou égal à l’inflation.

SUITE D'HYDRO-QUÉBEC

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